Voici une série d'articles sur l'impression des timbres-poste de Tchécoslovaquie par Miroslav Vondřich (Extrait
de la Revue Philatélique Tchèque FILATELIE 4/2004)
Traduction de Florián Štěpánek
Au sujet de
M. Miroslav Vondřich nous savons qu'il est un typographe expérimenté,
un membre d'une famille dont la tradition d'imprimeurs remonte à plusieurs générations. En tant
que spécialiste il n'est pas seulement connu parmi ses collègues de l'industrie
de l'impression, mais grâce à des années de travail dans l’impression des timbres-poste,
il est aussi connu par un certain nombre de philatélistes, en particulier ceux
qui se spécialisent dans les défauts d'impression de nos timbres. Récemment,
il a pris sa retraite, et nous sommes heureux qu'il ait accepté de partager
avec nous, dans une série d'articles, ses connaissances professionnelles
en ce qui concerne la préparation de la production et la production elle-même
des timbres et qu'il est prêt à nous faire connaître le milieu de
l'Imprimerie et aussi de partager avec nous un peu de ses souvenirs.
L'impression
des timbres-poste dans l'Imprimerie postale des valeurs
(Poštovní tiskárna cenin = PTC)
Tout
d'abord, un peu d'histoire. En 2003, 50 années étaient passées presque
inaperçues depuis le début de l'impression des timbres-poste dans la nouvellement
créée « Imprimerie des Communications », qui a
changé plusieurs fois de nom au cours de son existence. Celle-ci a été créée en fusionnant l’atelier
d’impression, situé dans le sous-sol du bureau de poste Praha 002, rue
Opletalova, et l’atelier de reproduction, situé à l’Hôtel des Postes, rue
Jindřišská. La nouvelle imprimerie est devenue partie intégrante de la Centrale
économique des Communications, à qui a été donné, en 1968, un immeuble à
Prague - Holešovice; elle y est encore située à la même adresse aujourd'hui.
L'immeuble PTC à Prague
- Holešovice
Selon
la décision des organes de l’Etat et du parti, probablement en
1948, l'impression des timbres-poste a été transférée de l’Imprimerie Česká
grafická unie (1899 - 1948) alors rebaptisée Naše vojsko en 1949, plus
tard Polygrafia en 1959. L'impression rotative était réalisée sur les deux
machines Stickney, ou à partir de clichés plats sur la machine Johnston. Relativement
peu de temps plus tard, ces machines obsolètes ont été remplacés par des
machines neuves : la rotative deux-couleurs taille-douce/hélio WIFAG 1, et
les presses taille-douce à plat Heim et Waite & Saville.
A
la fin des années soixante, dans le cadre de la construction du nouveau bâtiment de l'imprimerie, la seconde WIFAG 2, quatre-couleurs,
a été achetée. Plus tard, déjà dans le bâtiment neuf, WIFAG 1 a
été remplacée par la rotative
cinq-couleurs WIFAG 3 (les
numéros des machines WIFAG ne sont en fait que les numéros d’ordre de leur
succession).
En
plus des timbres, l’Imprimerie postale des valeurs (Postovni tiskarna cenin,
PTC) a imprimé et imprime aussi des formulaires communs, dépliants, tickets,
actions, etc. dans le département dit des autres impressions. Au
cours des dernières années, la production a été sensiblement améliorée et
élargie de façon qu’il soit devenu possible d’imprimer les timbres par la
combinaison offset/taille-douce à plat.
Sur les appareils à
la disposition de la PTC, on peut naturellement aussi imprimer les
timbres uniquement en offset.
I. L'impression rotative
Les deux machines WIFAG en service à l'heure actuelle comprennent une unité d'impression taille-douce et des unités d'héliogravure pour les autres couleurs. La même chose était vraie pour la WIFAG 1 qui est maintenant hors service. Lorsque la production a été lancée sur la presse WIFAG 1, l'imprimerie n'avait pas l'équipement de gravure à l'eau forte pour les cylindres héliogravure et donc après plusieurs tentatives avortées pour les produire à l'imprimerie Naše vojsko, les cylindres d'héliogravure ont commencé à être moletés. Le moletage des cylindres de cuivre, cependant, a présenté un certain nombre de problèmes, c'est pourquoi il a été abandonné. Ensuite des cylindres en acier ont été moletés. Pour cette méthode d'impression, il est bien sûr nécessaire de faire une gravure pour la couleur en héliogravure. Ce type de technologie a été plus tard utilisé pour des timbres imprimés sur WIFAG 2 et WIFAG 3 même si l'équipement de gravure était disponible depuis que la presse WIFAG 2 a été mise en service.
Presse WIFAG
Pour l'impression moletée sur l'unité d'héliogravure, je recommande la désignation "héliogravure moletée". Cependant, le ton de la couleur créé par cette technique manque de gradation en demi-teinte. Cette lacune est partiellement traitée par la densité de la gravure, soit par des lignes gravées dans un sens ou des hachures. En outre, les lignes individuelles de la gravure doivent être gravées, si possible, à un angle de 45°, sinon il y a le risque que l'encre liquide ne reste pas sur le cylindre héliogravure moleté pendant l'impression.
La
copie "pâle" de la maquette, le dessin détaillé, la
gravure
La
maquette du timbre, généralement agrandie six fois, est convertie par procédé
photographique en une copie dite "pâle". C'est en apparence
une photocopie en noir et blanc sous-exposée de la maquette. Mais il
s’agit d’une copie exposée faiblement, générée par un film panchromatique (toutes
les couleurs de la maquette doivent être bien discernables) sur
un papier photo spécial (avec un substrat contenant de la craie pour
pouvoir le gratter). Sur cette copie, le graveur effectue le dessin détaillé à
l'encre de Chine, c’est à dire, il convertit l’image essentiellement en
demi-teinte en lignes et points pour la gravure; le résidu de la couche
photographique est ensuite lavé. Il y a des différences dimensionnelles
entre la maquette et la photocopie – le papier photo change de
dimension à plusieurs reprises par l’effet du trempage et du séchage.
Aujourd'hui,
avec le développement de la photographie couleurs et, en particulier, celui du
numérique et aussi celui de l'édition des photos par l'ordinateur pour
l'impression, les producteurs de films aux couches déjà sensibilisées renoncent
à leur production. Les unités de production n’ont pas besoin de matériel panchromatique.
Pourtant, il y a une possibilité – et on a commencé à l'utiliser – celle
d'employer la technologie informatique pour créer une copie "pâle". C’est la trame stochastique, qui
peut créer les demi-teintes - mais plus à ce sujet dans le chapitre sur la préparation
des cylindres hélio.
Puis
encore, le dessin détaillé est transféré par procédé photographique sur une
plaque d'acier à la dimension réelle du timbre. Le dessin y est très légèrement
gravé à l'eau forte pour ne pas être effacé pendant le travail et pour que le
graveur puisse contrôler les progrès ou tirer les différentes phases de la gravure,
sans enlever le reste du dessin copié. La gravure est réalisée dans une plaque
d'acier, habituellement de dimension 7 x 8 cm. On utilise de l'acier
grade 12 (standard tchécoslovaque 12 020). Au cours des dernières années, il y
a eu des difficultés considérables avec sa fourniture et ainsi on le remplace
par l'acier 12 050, qui est plus
dur cependant, et entraîne des problèmes pour les graveurs (il est difficile de
graver les traits, les burins se cassent, etc.).
Les
plaques sont
préparées à partir d'une bande d'acier. Après être coupées à la taille nécessaire, leur surface est arasée, aplanie et polie. Leur surface doit être exempte de fissures ou d'autres défauts. Les défauts mineurs en dehors de l'image propre du timbre ne comptent pas. Mais il ne faut pas les oublier dans les phases suivantes de la production et les enlever sur la molette.
Le
dessin de la maquette et la gravure sont en règle générale le travail d'un seul
graveur. Il s'agit d'un travail exigeant qui nécessite beaucoup plus que juste un métier bien maîtrisé, surtout dans le domaine du dessin. La gravure doit avoir une profondeur correcte, les traits doivent
être gravés dans le bon sens, le graveur doit prendre en considération, par exemple, le sens de
l'essuyage et dans ce cas, disposer et modifier le trait en conséquence.
La profondeur de la gravure crée aussi la saturation du ton de la couleur. Les traits
doivent être suffisamment nets pour être transférés par la molette, mais
ils ne peuvent pas être trop fins ou au contraire, trop profonds. Les
traits qui sont trop fins se cassent au moletage tandis que ceux qui sont trop
gros soit ne parviennent pas à être transférés de la gravure sur la molette en
raison de la pression insuffisante, soit en étant pressés sur le cylindre
d'impression (ou la plaque) les traits alentour qui sont plus
faibles et moins profonds ne sont pas transférés. La profondeur
usuelle des tailles est de 0,2 - 0,7 mm.
Au
stade suivant de la production, l'agent chargé du transfert sur la molette
regarde la gravure et mesure sa profondeur - surtout dans les endroits sensibles.
Si la gravure est bonne, l'imprimerie reçoit en production. Si des problèmes
surviennent, le graveur peut encore la modifier. Les modifications consistent essentiellement
en profondeur sur certaines tailles, ou dans la modification des lignes dans le
sens de l'essuyage (procédé dit “piquage du peigne“ - les
tailles gravées dans le sens de l'essuyage devront
être pourvues de cavités plus profondes, à 1 mm environ d'intervalle, pour
retenir la couleur). L'agent
peut aussi être alerté sur certains défauts du poinçon incorrigibles,
qu'il peut alors retirer sur la molette (mauvaises rayures, défauts de gravure,
etc.). Voici les premiers défauts de la plaque qui peuvent survenir, mais à
voir dans le chapitre sur l'impression.
La
molette, ses modifications et réparations
La molette est un cylindre d'acier doux, ayant un diamètre de 72 mm, pouvant être durci, qui transmet la gravure sur la virole ou sur la plaque. La largeur de la molette varie en fonction de la taille du timbre. Avant le moletage, le poinçon est durci par la trempe. La trempe ne doit aller qu'à une certaine profondeur pour que le poinçon n'éclate pas sous la pression de transfert. Le poinçon doit également être orienté axialement pour se trouver droit sur la molette et puis sur la virole.
A
l'imprimerie, la molette est usinée dans une barre d'acier par tournage et
polissage. Comme pour la plaque du poinçon, sa surface doit être lisse et exempte de défauts. Pour la molette, un
percement précis est fait pour l'axe sur lequel elle est fixée sur la presse à
transfert. Une autre presse est utilisée pour le transfert de la
molette sur la virole.
Le transfert du poinçon
à l'aide de la molette sur la virole.
Après le
montage du poinçon sur la presse à transfert, la molette y est pressée en
étant roulée plusieurs fois en "va-et-vient". Puis le
"moletteur" la retire et examine si tout est bien transféré (ça
se vérifie en la regardant et en la comparant avec la gravure et avec
l'épreuve du graveur). En raison de l'expérience de ces agents,
un nouveau transfert est exceptionnel. Par exemple, cela n'arrive qu'au cas
où le poinçon ou la molette ne sont pas absolument plats ou qu'une partie de la
figurine n'est pas transférée en relief suffisant. La raison peut être
la densité de la gravure unilatéralement élevée. L'augmentation de la
densité de la gravure nécessite bien sûr une pression plus élevée pour le
transfert, mais il est difficile de prédire «de combien». Il faut donc mettre une cale d'épaisseur
à cet emplacement et faire un nouveau transfert.
Selon
sa taille, la molette peut contenir de deux à quatre timbres. Certains défauts du
poinçon (mauvaises rayures, défauts de gravure, etc.) peuvent y être enlevés par
grattage ou polissage. Si le transfert est réussi, la molette est trempée et est prête
pour être transférée sur la virole.
Au
cours du moletage, il faut maintenir scrupuleusement la propreté parce que même
le moindre grain pendant la phase de production peut causer, plus tard, des défauts
de la plaque (d'ailleurs, le terme traditionnel "défaut de la plaque"
n'est pas le plus apte, l'expression plus précise serait "défaut du cliché" parce que le
cliché peut être plat, comme par exemple, la typographie ou la plaque de la
taille-douce à plat, ou rond comme le cylindre d'impression en héliogravure ou en
offset). Il faut examiner toute la molette parce qu'un défaut situé même au
bord de la molette est transféré au cylindre et puis se montre, par
exemple, dans la ligne ou la colonne voisine des timbres.
D'autres
défauts qui se manifestent pendant l'impression, se produisent au cours du
durcissement, lorsque les impuretés contenues dans le matériau (acier), celles
qui ne sont pas visibles à l'œil nu, peuvent être dégagées de la plaque ou
de la molette. Ceux-ci sont ensuite transférés de la molette à la virole et ils peuvent être visibles aux divers endroits de la feuille selon le
sens de l'essuyage. La même chose peut arriver avec des coupures rebouchées ou des mauvaises rayures. Une gravure corrigée
de cette manière "s'ouvre" souvent en raison de la
chaleur pendant le durcissement.
Le
moletage démarre par la préparation du cylindre en acier. Il est monté sur un
axe et inséré dans la machine à moleter. Il faut l'inspecter, en effacer toutes
les fissures et le polir. Seulement alors, le
moletage
peut commencer.
On
commence le moletage en testant la force de la pression sur le bord du
cylindre. Ces timbres d'essai devraient être hors du papier à l'impression.
Mais il arrive parfois que leur gravure sur le bord apparaît sur
la feuille d'impression. C'est provoqué soit par l'alignement de ces tests de
pression trop près du centre du cylindre, soit
par un mauvais réglage de la course du papier dans la machine à imprimer (cette
variante est plus fréquente). On peut le reconnaître par le fait qu'il
y a des distances différentes des timbres marginaux jusqu'au bord du papier. La
cause est généralement le papier enroulé de mauvaise façon, dont je vais parler
dans le chapitre sur l'impression. La position des timbres sur le cylindre est donnée
selon leur taille par la roue crénelée sur la circonférence du cylindre et par le
nombre de pas du mécanisme à coulisse sur la largeur du cylindre. On molette
toujours tout d'abord toute la colonne des deux feuilles imprimées (comme vendues
au guichet du bureau de poste), c'est-à-dire sur la circonférence du cylindre, puis le cylindre
se déplace latéralement pour un timbre, et le cycle est répété jusqu'à ce que tout le cylindre soit moleté.
(A suivre)
Commentaire de Papy24 : Les
rotatives taille-douce Stickney étaient de ce type :
et la presse à plat
Johnston :
En
ce qui concerne l’impression taille-douce, il y a très peu de différence entre
les processus tchèque et français. A part les presses, une première différence
dans la préparation du poinçon avec cette copie « pale » avant la
gravure manuelle du timbre. Le transfert du poinçon sur le cylindre est fait de
la même façon, excepté que le cylindre cliché n’est pas recouvert de cuivre et
qu’il ne comporte que deux feuilles de timbres au tour.
Autre
différence, les presses « Wifag » impriment successivement en hélio
pour les couleurs et en taille-douce pour une seule couleur. Les presses
taille-douce françaises « Chambon » impriment directement en 3
couleurs ou en 2 fois 3 couleurs. Il est à noter que primitivement, la gravure
des cylindres hélio était moletée au lieu d’être gravée chimiquement.
Cette série d'articles sur l'impression des timbres tchèques sera à suivre sur ce blog dans les prochains jours.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire